Commerce : Le rêve africain entre obstacles et opportunités

Face aux chocs exogènes, l’Afrique veut rendre opérationnelle la Zlecaf. Cependant, les participants aux Assemblées annuelles d’Afreximbank (15-18 juin à la nouvelle capitale administrative, Le Caire, Égypte), ont souligné la nécessité de lever les barrières tarifaires et non tarifaires pour faire de ce « rêve » une réalité. 
Seydou KA (envoyé spécial) 
Le Caire (Égypte) – Au deuxième jour des Assemblées annuelles d’Afreximbank (banque africaine d’import-export), qui se tiennent dans la nouvelle capitale administrative égyptienne, le Président Abdel Fattah al-Sissi est venu partager son « rêve africain ». Il a notamment souligné le gap qui existe entre ce rêve et les réalisations sur le terrain. « Comment peut-on réaliser le rêve de 2,5 milliards d’habitants en 2050 si on ne peut pas voyager par train entre Le Caire et Nairobi par exemple ? » s’est-il interrogé pour mieux souligner la nécessité de construire des infrastructures modernes partout sur le continent. Seulement, les besoins sont énormes– à titre d’exemple, le coût de la nouvelle capitale administrative égyptienne est estimé à 400 milliards de dollars– alors que les ressources disponibles sur le continent sont limitées. Idem sur le plan agricole. L’Afrique ne manque pas de terres arables. Mais là aussi, les financements (un besoin annuel de150 milliards de dollars), font défaut pour mettre en valeur cet énorme potentiel. Même si mobiliser ces financements, d’après Vera Songwé, Directrice exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (Cea), « n’est pas chose impossible ». Il suffit, a-t-elle soutenu, d’optimiser les mécanismes existants (dont Afreximbank) et d’améliorer la mobilisation des ressources intérieures. En outre, a-t-elle ajouté, l’Afrique ne doit pas avoir honte de solliciter des ressources extérieures comme les Droits de tirage spéciaux (Dts) du Fmi, d’autant plus que les pays riches ont largement bénéficié de ces mécanismes financiers pour faire face à la crise et amorcer le rebond. Mais, le continent ne pourra jamais faire un saut qualitatif et attirer des investisseurs étrangers sans la stabilité et la paix, a insisté le dirigeant égyptien.
Surmonter les barrières 
Avant son intervention, les participants ont discuté de l’Afrique face aux chocs exogènes. L’Égypte qui accueille cette rencontre a été particulièrement affectée par l’inflation née de la crise russo-ukrainienne. Cependant, pour Tarek Amer, Gouverneur de la Banque centrale d’Égypte, ce défi est commun à toutes les institutions financières et monétaires africaines. Il a salué le rôle d’Afreximbank qui a mis en place un fonds de quatre milliards de dollars pour permettre aux institutions financières du continent de disposer des liquidités nécessaires afin de pouvoir faire face à cette situation.
Pour le Pr Benedict Oramah, Pdg d’Afreximbank, le défi est de « récolter les fruits de nos complémentarités ». Autrement dit, renforcer le commerce intra-africain grâce à la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Toutefois, le succès de cette dernière dépend de la levée de plusieurs barrières tarifaires et non tarifaires, a reconnu Albert Muchanga, Commissaire de l’Union africaine pour le développement, le commerce, le tourisme, l’industrie et les mines. Pour aider à surmonter les barrières qui entravent le commerce intra-africain, Afreximbank a investi 20 milliards de dollars ces cinq dernières années et prévoit de doubler ce montant dans les cinq ans à venir, a expliqué son Président. « Nous avons augmenté la part du commerce intra-africain du portefeuille de la Banque de 3 % en 2016 à environ 27 % en 2021 », s’est-il félicité. En outre, la banque aide les entrepreneurs africains à soumissionner pour des projets liés aux infrastructures africaines. Au cours des dernières années, environ 12 milliards de dollars américains ont été débloqués pour soutenir de tels projets.
 
Le commerce de marchandises en hausse de 28 % en 2021 en Afrique 
Selon le rapport d’Afreximbank publié à la veille de ces Assemblées annuelles, le commerce des marchandises de l’Afrique qui s’est contracté de 12,3 % en 2020 a augmenté de plus de 28 % en 2021. L’indice des matières premières africaines d’Afreximbank a augmenté de 55 % en glissement annuel au deuxième trimestre 2021. Le rapport note cependant que les chocs déclenchés par la crise ukrainienne exerceront une pression à la baisse supplémentaire sur la croissance mondiale par le biais de plusieurs canaux, notamment le tourisme, les matières premières, le commerce et la finance. « Dans toute l’Afrique, l’inflation moyenne a légèrement augmenté pour atteindre 13,7 % en 2022, en hausse de 0,7 point de pourcentage par rapport à l’année dernière. Les rendements ont fortement augmenté alors que les banques centrales d’importance systémique accélèrent la normalisation de la politique monétaire pour lutter contre l’inflation », constate le document. S. KA