CANADA :: Ambassade du Cameroun à Ottawa: Des Camerounais exigent la libération des prisonniers politiques

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La scène est digne d’un scénario de film à la camerounaise.Le personnel  du Haut-Commissariat du Cameroun à Ottawa (Ambassade) fait appel à la police anti-émeute canadienne pour disperser ses propres citoyens venus dialoguer... Panique totale. Des policiers canadiens lourdement armés,ne comprenaient rien et se demandaient pourquoi on les avait fait venir. Retour sur cette journée chaude.

Dans le cadre de la campagne pour la libération des prisonniers politiques, les Camerounais vivant au Canada, ainsi que les militants du MRC (Mouvement pour la Renaissance du Cameroun), ont entrepris, ce 04 février 2022, de faire un sit-in devant le Haut-commissariat du Cameroun à Ottawa (Canada).

Le choix de l’ambassade du Cameroun à Ottawa n’était pas anodin. En effet, comme toutes les ambassades camerounaises de l’ère Biya à l’étranger, l’ambassade du Cameroun à Ottawa au Canada a très mauvaise presse auprès des Camerounais. Le personnel y traite ceux-ci exactement comme dans les bureaux administratifs de Yaoundé, avec condescendance, lenteur et corruption. 

Qu’à ce jour une ambassade manque jusqu’à la simple imprimante, et ce, après 40 ans de règne de Paul Biya, donne la mesure du malaise et de la nature de la relation que les Camerounais entretiennent avec leur représentation diplomatique. Le citoyen camerounais qui veut y établir ou faire signer un document se voit toujours envoyé faire des photocopies hors de l’ambassade. 

Sans compter les appels téléphoniques qui n’aboutissent jamais, les frais additionnels aléatoirement imposés sur les timbres, les délais incroyablement longs dans le traitement des dossiers, etc. En définitive, c’est le régime Biya transplanté en plein cœur de l’une des démocraties les plus prospères et les plus libérales du monde : le Canada. C’est sur la base de ce constat amer et des plaintes répétitives venant de la communauté camerounaise du Canada que les citoyens camerounais et les membres du MRC ont décidé, ce 04  février 2022, de s’y rendre pour leur demander des comptes, les inviter à plus de justice et de professionnalisme dans le traitement des dossiers et lancer un appel fort pour la libération des prisonniers politiques au Cameroun. 

Très tôt le matin, sous un froids polaire (- 20°), ils se sont mis en route pour la capitale Ottawa, venant de deux provinces canadiennes : le Québec et l’Ontario.

Sur les directs retransmis sur Facebook, on peut les voir et les entendre annoncer, en toute quiétude et avec le plus grand sérieux, l’avènement imminent d’un évènement majeur. 

Leur plan  A était de faire le sit-in devant l’ambassade avec les banderoles, les pancartes, les drapeaux et les photos des prisonniers politiques au nombre desquels Bibou Nissack et Alain Fogué; le plan B était d’entrer dans l’ambassade même pour échanger sérieusement avec le personnel et exprimer, sous vidéo, le ras-le-bol de la communauté camerounaise.

Arrivés sur les lieux, ils ont immédiatement mis à exécution le plan A. C’est alors qu’ils ont eu la preuve qu’ils recherchaient : des Camerounais, qui avaient rendez-vous ce jour-là à l’ambassade,étaient restés à l’entrée pendant des heures, sous le froid hivernal, et se plaignaient de ne pas avoir été reçus, d’avoir vu leurs rendez-vous reportés plusieurs fois. Il se plaignaient si bruyamment que, pour servir l’un d’eux, le personnel a décidé d’ouvrir la porte.

C’est alors que les manifestants en ont profité pour s’engouffrer dans la pièce, non sans avoir subi la résistance du personnel qui a tenté en vain de les maintenir à l’extérieur, sous le froid.

Une fois à l’intérieur de l’ambassade, les manifestants ont actionné leurs caméras et ont commencé à diffuser les directs sur les réseaux sociaux. Bien qu’ayant rassuré les membres du personnel de l’ambassade qu’ils n’avaient aucune intention de brutaliser ou de casser, mais qu’ils  étaient là pour un échange courtois sur le traitement inhumain infligé à la communauté camerounaise dans cette institution  comme on peut d’ailleurs l’entendre sur les vidéos encore  disponibles sur Facebook, les membres du personnel du Haut-commissariat ont choisi d’appeler  la police canadienne, usant ainsi des mêmes réflexes qu’on observe dans l’administration au Cameroun : le réflexe de la force brutale. 

Pire, au lieu de parler des citoyens camerounais venus  exiger la libération des prisonniers politiques, ils ont indiqué à la police que des terroristes avaient  fait irruption dans les services du Haut-Commissariat du Cameroun à Ottawa. Immédiatement, les  autorités canadiennes ont dépêché une vingtaine de policiers anti-meutes armés jusqu’aux dents et équipés de camions et de chars.

Une fois le bataillon anti-terroriste arrivé, l’ambassade du Cameroun ressemblait à un champ de guerre. Mais la surprise fut totale : d’abord du côté citoyens camerounais et des militant du MRC qui faisaient ainsi face à la vingtaine de policiers canadiens lourdement armés, puis du côté de ces  policiers qui, voyant manifestants plutôt dans une posture de débat constructif et démocratique, ne comprenaient rien et se demandaient pourquoi on les avait fait venir.

Ainsi s’est terminé l’incroyable assaut double sur le Haut-commissariat du Cameroun à Ottawa le 04 février 2022. Le régime de Paul Biya cessera-t-il un jour de compter sur la force pour résoudre les problèmes des Camerounais? Telle est la question.