Un atelier, organisé la semaine dernière dans le cadre des «16 Jours d’activisme» contre la violence basée sur le genre, a permis de questionner —à travers l’apport des disciplines de la psychologie et des sciences humaines et sociales, ainsi qu’à travers une analyse et une lecture critique des stratégies et approches adoptées pour lutter contre la violence à l’égard des femmes— les rapports de pouvoir et de domination au sein du couple.
Dans le cadre de la campagne des «16 Jours d’activisme» contre la violence basée sur le genre, le ministère de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes âgées a organisé, en collaboration avec le Fonds des Nations unies pour la population et le Centre international de développement pour la gouvernance locale, un séminaire national intitulé «Vers une approche critique pour lutter contre la violence à l’égard des femmes».
Cette rencontre a réuni plusieurs chercheurs dans le domaine de la sociologie et des sciences humaines, ainsi que des acteurs de la société civile afin de réfléchir sur la complexité du phénomène de la violence à l’égard des femmes et la manière avec laquelle on traite cette problématique dans les instances institutionnelles qui prennent en charge les femmes victimes de violence.
Lors de ce séminaire, plusieurs intervenants ont mis l’accent sur ce phénomène qui gagne de plus en plus de l’ampleur de nos jours, telle l’intervention de la sociologue Dorra Mahfouth, qui s’est penchée sur le thème de «La violence à l’égard des femmes ; concepts et approches sociologiques et féministes». La professeure en sociologie a apporté un éclairage sociologique sur les situations d’inégalité entre les genres, mais aussi au sein du couple… «La violence au sein du couple est un phénomène interpersonnel et non pas social», note-t-elle.
Relations de domination et de pouvoir
Et de renchérir : «Dans les années 70, il y a des recherches qui ont montré qu’il y a plus de femmes victimes de violence et que cet état de fait est, par conséquent, lié au genre. Les statistiques dans des pays, comme le Canada ou la Suisse, révèlent que le phénomène des femmes battues a pris de l’ampleur. Dans les enquêtes réalisées, une confusion est faite entre les différentes formes de violences. Dès lors que la violence verbale et psychologique à l’encontre des femmes est prise en compte dans les études, les statistiques sur le nombre de femmes victimes de violence vont systématiquement augmenter. En 2018, 30% de femmes et 27% des hommes ont déclaré avoir subi au moins une fois une violence dans leur vie. Il faut multiplier les approches afin de limiter ce phénomène», explique-t-elle.
La sociologue a appelé à réfléchir et s’interroger sur les différentes formes de violence à l’encontre des femmes : familiale, domestique… En mettant l’accent sur leur évolution, ainsi que les enjeux sociaux et politiques qui en découlent. Elle a également présenté les facteurs qui déterminent et légitiment la violence et le rôle qu’ils jouent dans les normes et les règles tacites qui régissent la dynamique du couple.
Violence versus empathie
Quant à l’intervention de Soumaya Belhadj, intitulée «Empathie versus violence, éclairage dans la psychologie», elle s’est penchée sur une analyse de cette discipline qui permet, à travers des recherches, de comprendre la notion de violence. «La neuropsychologie est une discipline qui s’intéresse aux liens existants entre le comportement et le cerveau, ce qui va nous éclairer sur les mécanismes sous-jacents de la violence. La violence revêt différentes formes : elle peut être sexuelle, physique, économique… Il existe deux catégories de violence : la violence impulsive, et celle prédatrice. Pour la première, il s’agit essentiellement de difficultés au niveau des capacités de tout comprendre qui vont se manifester à travers des passages à l’acte. S’agissant de la violence prédatrice, il n’y a pas vraiment de passage à l’acte et même les mécanismes sous-jacents sont différents», explique Soumaya Belhadj.
Selon la psychologue, la violence impulsive se manifeste par des réactions qui vont révéler, au niveau du comportement, une incapacité à se contrôler. La notion de contrôle, un des concepts phares de la neuropsychologie, renvoie à un certain nombre d’aptitudes qui permettent à l’individu d’adapter son comportement à la situation à laquelle il est confronté. Ses aptitudes feront appel à des mécanismes à la fois cognitifs et émotionnels.
«Quand on parle de la violence prédatrice, les mécanismes sous-jacents ne sont pas présents. Il s’agit plutôt d’un déficit de l’empathie qui est l’incapacité à ressentir ce que ressent l’autre. Ce qu’on peut remarquer dans la violence prédatrice, c’est que l’auteur de ce type de violence a une attitude froide et insensible aux émotions d’autrui. Il n’y aura pas de conséquences physiques, mais des conséquences psychologiques. Les femmes qui subissent ce type de violence vont se retrouver dans une détresse psychologique, leur estime de soi va en être profondément affectée…».
L’intervenante ajoute, par ailleurs, qu’en se basant sur cette approche neuropsychologique, «on comprend que tout se passe dans la région antérieure du cerveau. Les études réalisées ont permis d’identifier les mécanismes qui interviennent dans les émotions et les comportements d’empathie et de violence. Si l’individu évolue, dès les premières années de vie, dans un contexte socio-éducatif qui favorise l’émergence de la violence, cela impacte le développement cérébral, mais aussi le développement des mécanismes cognitifs et émotionnels en lien avec l’émergence de l’empathie».