Les Pandora Papers prennent la couleur de plus en plus orangée du MSM. Après Sattar Hajee Abdoula, proche de Pravind Jugnauth, enter Jaye Jingree, le financier de sir Anerood Jugnauth, le défunt père du Sun Trust. Jingree est lui aussi actionnaire dans le paradis fiscal des îles Vierges britanniques. Il a également échangé des actions avec la controversée Regula Limited. Sauf que lui, il est allé plus loin : il s’est caché derrière une entité. Son nom n’apparaît donc pas officiellement dans le registre d’Arachon Investments Limited. On a dû fouiller pour mettre la main sur un document qui prouve qu’il en est le bénéficiaire ultime.
Selon les documents que nous avons vus dans la base de données des Pandora Papers, Arachon Investments Limited était détenue de 1999 à 2006 par Regula Ltd. Rappelons que nous retrouvons également cette subsidiaire, incorporée par la Deutsche Bank aux îles Vierges britanniques, dans la structure de Sattar Hajee Abdoula (voir en page 3). Regula Ltd est une compagnie controversée. À tel point qu’en 2018, les autorités allemandes ont perquisitionné les locaux de la Deutsche Bank à Francfort. Elles soupçonnent que la banque a créé la filiale Regula Ltd aux îles Vierges britanniques (BVI) pour blanchir de grosses sommes pour des milliardaires. Deutsche Bank mettra fin au procès en payant €15 millions.
Ainsi, le 10 juillet 2006, une société mauricienne dénommée Acorn International, qui deviendra (en 2016) Rogers Capital Nominee 2 achète les $1 000 d’actions que détenaient Regula Ltd dans Arachon Investments Limited. C’est Trident Trust BVI (une des 14 management companies dont les données ont fuité dans les Pandora Papers) qui représente Arachon Investments Limited aux BVI. Nous avons retrouvé dans des documents internes entre Rogers Capital Nominee 2 et Trident Trust BVI une information cruciale : le bénéficiaire ultime de Rogers Capital Nominee 2 est en fait Jaye Jingree.
On se retrouve ainsi face à une double couche (double-layering) de secret. Non satisfait de détenir des actions loin des regards mauriciens, soit aux îles Vierges britanniques, Jingree a eu recours à un prête-nom. Pourquoi ? Ce n’est qu’une des questions que nous lui avons posées (voir notre e-mail à côté). Jingree va placer Arachon Investments Limited en liquidation volontaire en novembre 2018. Quels étaient les actifs de celle-ci quand Jingree en a pris le contrôle en 2006 ? Quels en étaient les actifs quand il l’a liquidée ? A-t-il fait des profits en étant actionnaire ? La Mauritius Revenue Authority est-elle au courant ? Pourquoi Rogers Capital Nominee 2 (officiellement gérée par Rogers Capital Corporate Services) et Jingree, deux opérateurs du centre financier mauricien, ont-ils eu recours à une structure loin là-bas aux BVI ? Pourquoi Rogers Capital s’est-elle fait le prête-nom de Jingree ? La boîte de Pandore attendra-t-elle les réponses des protagonistes pour livrer ses secrets ?
L’homme de confiance de Sir Anerood Jugnauth
Pendant des décennies, l’expert-comptable Jaye Jingree a été l’homme de confiance de la famille Jugnauth, de sir Anerood en particulier. Ce brillant professionnel, né dans le village de Roches-Noires et fils de planteur, entreprit des études en comptabilité en Grande-Bretagne avant de rentrer au pays. Il fonda en 1985 la branche mauricienne de la firme d’experts-comptables KPMG, née de la fusion de Peat Marwick International et de Klynveld Main Goerdeler. KPMG représente des lettres tirées des noms de ces deux firmes.
En raison de son mariage avec Brinda Maudhoo, une cousine de Lady Jugnauth et membre du personnel d’Air Mauritius, l’expert-comptable Jingree fut sollicité par les Jugnauth pour s’occuper de leurs affaires financières. C’est à ce titre que Jaye Jingree devint un élément incontournable dans la création de l’empire politico-financier qui allait être symbolisé par le bâtiment du Sun Trust à la rue Edith Cavell, à Port-Louis. L’emplacement du Sun Trust avait jadis appartenu à la grande firme importatrice des véhicules Bedford et Vauxhall. Un autre propriétaire était passé par là avant son acquisition par sir Anerood.
Homme discret et modeste, Jaye Jingree est resté un enfant de village. D’ailleurs, après le décès de son épouse, il a construit un hall dans son village natal portant le nom de sa compagne disparue. C’est comme pour témoigner de son attachement pour celle qui a fait partie de sa vie pendant longtemps et aussi pour son village.
Pour les spécialistes qui étudient les VIPs de Maurice, Jaye Jingree serait tout à fait le contraire de Sattar Hajee Abdoula, le nouveau «paissa-wallah», l’homme des finances, de la présente génération des Jugnauth. À ce titre, fait-on remarquer, on ne voit pas Jaye Jingree, nullement atteint de folie des grandeurs, acquérir une propriété vis-à-vis de Harrods à Knightsbridge dans le quartier le plus riche de Londres ni un appartement de l’immeuble Burdj Khalifa à Dubaï.
Request for comment ICIJ – l’express
Messrs Jingree, and Nathoo (For Rogers Capital Coporate Services),
I am a reporter with the International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), a non-profit news organization based in Washington, DC (www.icij.org) and with Mauritian newspaper l’express (www.lexpress.mu).