Assassinat de Jovenel Moïse : du tragique au réveil collectif impératif

 

La mort du Président de la République, Jovenel Moïse, est loin d’être une bonne nouvelle dont il y a lieu de se réjouir. Même l’opposant le plus farouche au régime PHTK, pourvu qu’il soit toujours doté de son humanité, ne peut dire le contraire. Le caractère tragique de la disparition du Chef de l’Etat, son aspect sacrificiel, considération faite des images du cadavre présidentiel qui circulent sur les réseaux sociaux, suscitent la pitié de tous ceux pour qui le concept « humain » a encore un sens et de la substance. En attendant que la justice dise son mot, si jamais elle le dira, Haïti ne doit pas fermer les yeux sur ses grands défis, anciens et nouveaux. La mort du 58ème occupant du Palais national n’entraine pas la fin de nos problèmes, loin s’en faut.

Dans l’état actuel des choses, aucun article de la Constitution ne peut être brandi comme une panacée à la crise renforcée par l’assassinat odieux de Jovenel Moïse. C’est un fait ! Nous nageons dans le plus grand vide océanique de notre histoire de peuple. La solution n’est ni à la Primature dont le Chef est démissionnaire, ni au Sénat de la République amputé et inactif, encore moins à la Cour de cassation longtemps abandonnée par Thémis. Consensus ! Même si le mot est ‘’politiquement’’ galvaudé, vilipendé, la situation actuelle nous invite à lui redonner un sens, à en faire bon usage… Mais comment ?

« Bonne foi » des uns et des autres

L’histoire offre rarement une seconde chance. Quand on ne la saisit pas, elle sait se montrer impitoyable. Voilà ce qu’ignorent nos hommes politiques ainsi que nos agents économiques. Aussi catastrophique qu’il fut, le tremblement de terre du 12 janvier 2010 était, dans une large mesure, une opportunité pour les Haïtiens de reconstruire, ou de construire autrement « l’être et la demeure ». Qu’avons-nous fait ? La réponse court les rues. Les doigts d’une main ne suffisent pas pour compter les chances que l’histoire nous a offertes de refonder l’Etat, faire d’Haïti une Nation… Et pourtant, nous nous complaisons encore, au 21ème siècle, dans notre sale réputation de « cancre de la grande école mondiale ». Dieu seul sait pourquoi l’histoire fait preuve d’autant de clémence à l’égard de la Première République noire. 

« Là où il n’y a rien, il est facile de créer », a dit un jour un économiste haïtien. Après la mort de Jovenel Moïse, de l’Etat failli et omni-absent, il ne reste plus rien, même pas le nom. Etant donné que, comme l’a dit Montherlant, « un homme à qui le pouvoir monte à la tête est toujours ridicule », il y aura toujours quelqu’un quelque part, dans cette conjoncture macabre, qui tentera de nous faire croire qu’il existe encore quelque chose. Sans gêne il le fera, puisque depuis bien longtemps « le discours politique est devenu l’empire du mal ». Assis sur le cadavre encore frais de Jovenel Moïse, quelqu’un nous dira toujours, effrontément, que l’organisation des élections est possible en septembre 2021. Heureusement, il y avait un Charles de Gaulle pour nous prévenir que : « l’homme politique ne croit jamais ce qu’il dit, qu’il est étonné quand il est cru sur parole ».

Aujourd’hui, seule la bonne foi du peuple à vouloir choisir délibérément son destin, conjuguée à la bonne foi de ceux bien ou mal affublés du titre de « dirigeant », peut nous aider à sauver ce qui peut encore être sauvé. Aucun clan politique ou économique ne peut faire valoir son messianisme ou sa surpuissance à pouvoir résoudre seul le problème. Dans ce jeu malsain et dangereux où chacun défend son intérêt propre, il est du devoir du peuple de réclamer une entente entre les tous acteurs de la vie nationale, un « consensus » pour son bien-être… Le fauteuil présidentiel est vide et suscite la convoitise. Les emballements des politiciens qui s’ébrouent sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels le prouvent. Dans ce grand vide sans nom, seul le peuple peut se prévaloir de la souveraineté. Lui seul peut faire de cette tragédie une bonne raison pour se réveiller de sa léthargie séculaire et se prendre en main…

(Réflexion inachevée)

GeorGes E. Allen