Selon Moody’s, la décision d’abaisser la note souveraine de la Tunisie est essentiellement justifiée par ses inquiétudes quant à la capacité du pays à poursuivre le processus de réformes ayant trait essentiellement à l’assainissement budgétaire et à la restructuration du secteur public. Devant ce fait, les avis et les analyses des économistes et des politiciens divergent !
Une fois de plus, l’agence de notation Moody’s a abaissé, le 23 février dernier, la note souveraine de la Tunisie à long terme, en devises et en monnaie locale, de B2 à B3, tout en maintenant les perspectives de cette notation à «négatives ». Selon Moody’s, cette décision est essentiellement justifiée par ses inquiétudes quant à la capacité de la Tunisie à poursuivre le processus de réformes ayant trait essentiellement à l’assainissement budgétaire et à la restructuration du secteur public. Ce déclassement à B3 reflète un « affaiblissement de la gouvernance face à des contraintes sociales croissantes qui entravent de plus en plus la flexibilité du gouvernement pour mettre en œuvre un ajustement budgétaire et des réformes du secteur public qui stabiliseraient et finiraient par inverser une augmentation marquée de son endettement », lit-on dans le rapport de l’agence. Moody’s explique que sa décision s’appuie sur l’impact substantiel, économique et budgétaire de la pandémie de la Covid-19, qui a fait grimper la dette à des niveaux élevés augmentant ainsi sa sensibilité aux chocs.
Incertitude et erreurs
Pour ce qui est des perspectives négatives, Moody’s affirme qu’elles sont la conséquence logique de l’incertitude quant à la capacité du gouvernement à assurer un accès continu aux sources de financement externes officielles ou aux marchés financiers internationaux, et ce, à des conditions abordables afin de répondre aux besoins de financement élevés au cours des prochaines années. Les perspectives négatives seraient également liées au retard dans la négociation et la mise en œuvre d’un programme financé par le FMI, un objectif défini par le gouvernement. Il est à rappeler que, pour des conséquences de la crise sanitaire, le FMI a constaté une contraction du PIB de 8,2 % en 2020, ce qui représente le ralentissement économique le plus prononcé depuis que le pays est devenu indépendant, une hausse du taux de chômage à 16,2 % à fin septembre, un ralentissement de l’inflation en raison de la contraction de la demande intérieure et de la baisse des prix internationaux des carburants. Le Fonds monétaire international constate également une réduction du déficit des transactions courantes à 6,8 % du PIB, du fait de la baisse de la demande d’importations et de la résilience des envois de fonds des travailleurs expatriés, sans compter la forte baisse des exportations et l’effondrement des recettes du tourisme. Il y a également l’augmentation du déficit budgétaire (hors dons) qui a atteint 11,5 % du PIB. Les recettes ont diminué, en raison d’une baisse des recettes fiscales. Des embauches supplémentaires (dont environ 40 % dans le secteur de la santé, notamment pour combattre la pandémie de Covid-19) ont fait accroître la masse salariale de la fonction publique à 17,6 % du PIB, soit l’une des plus élevées du monde.
D’après le communiqué de Moody’s, les plafonds nationaux de la Tunisie ont été abaissés d’un cran, passant de Ba2 à Ba3. L’écart de trois crans par rapport à la notation souveraine reflète des institutions et des actions gouvernementales relativement prévisibles, altérées par une forte empreinte du secteur public, des contraintes de compétitivité externe et un environnement politique et social difficile qui entravent l’environnement des affaires. Le plafond des devises a été abaissé à B2 de B1. L’écart de deux crans par rapport au plafond de la monnaie locale reflète les déséquilibres extérieurs persistants et la dépendance à l’égard des entrées étrangères, ce qui augmente l’exposition des entreprises aux risques potentiels de transfert et de convertibilité.
Avis et réactions
Intervenant, il y a quelques jours, sur les ondes d’une radio privée pour commenter la récente dégradation de la notation souveraine de la Tunisie, Ali Kooli, ministre de l’Economie, des Finances et de l’Appui à l’Investissement, déclare : «Moody’s avait prévu une notation encore plus basse mais nous avons pu l’éviter. Il faut absolument reprendre le travail, autrement la situation du pays ne cessera de se dégrader». Pour lui, la situation de la Tunisie est délicate, voire critique, mais qu’il n’est pas juste de parler de faillite. «Nous n’en serons pas au point d’arriver à ne plus être en capacité de payer les salaires, les rentrées fiscales à elles seules couvrent la masse salariale mais cela n’empêche qu’il faut absolument reprendre le travail à tous les niveaux pour assurer cette rentrée d’argent. Notre gouvernement œuvrera à empêcher la faillite de l’Etat, il faut savoir que nous déployons des efforts considérables, que Moody’s avait prévu d’abaisser davantage notre notation, mais que, grâce aux efforts du gouverneur de la BCT et du ministère des Finances, nous avons pu les convaincre de ne pas le faire » a annoncé Kooli. D’après les déclarations du ministre, « la dégradation de la notation de la Tunisie n’empêchera pas de recourir aux marchés extérieurs. Nous allons entamer les négociations avec le FMI au mois d’avril prochain, cela ne veut pas dire que nous allons céder à ses exigences, nous allons négocier et présenter notre projet de réformes, un projet réalisable et que nous voulons consensuel. Que ce gouvernement soit appuyé et soutenu est très important car autrement il ne sera pas crédible ».