Maurice sera doté d’un séquenceur. La machine a été commandée et arrivera bientôt. Lors d’une conférence de presse vendredi dernier, la Dr Catherine Gaud, conseil- lère au bureau du Premier ministre en matière de Covid-19, s’est vantée de cette acquisition, affirmant que c’est «formidable» et qu’il «n’y a pas beaucoup d’endroits où il y en a». Mais force est de constater que l’État, qui se vante souvent d’être leader dans une multitude de domaines sur le continent africain, a du retard sur les autres pays de la région pour le séquençage. De plus, l’autre question qui se pose est: qui va l’utiliser ?
Tout d’abord, la question qui brûle les lèvres: quelle est la marque de la machine et combien elle a coûté ? Sollicité, le Dr Zouberr Joomaye répond qu’il ne détient pas ces réponses. «Je sais que le contrat a été alloué et que l’appareil sera bientôt livré», a-t-il répondu. Est-ce que Maurice possède l’expertise nécessaire pour faire fonctionner la machine ? Oui, selon le Dr Zouberr Joomaye, mais il faudra former le personnel. «Nous avons des experts en matière biomoléculaire, et la formation sera assurée par le fournisseur de l’appareil.»
En ce qui concerne le type d’appareil, un expert du domaine avance qu’il existe désormais l’Oxford Nanopore, qui est le plus simple à utiliser. «C’est comme un appareil USB qui permet de faire plusieurs types de séquençage. Celui-là, on aurait presque pu l’avoir gratuitement du fournisseur…» explique-t-il.
Si Maurice se vante de cet achat, force est de constater que plus de vingt pays du continent africain, comme le Bénin, la Sierra Leone, Madagascar et le Mali, entre autres, possèdent déjà leur séquenceur. Qu’est-ce qui explique ce retard? «Le séquençage ne faisait pas partie de l’activité habituelle. Cela se faisait pour des rai- sons scientifiques», avance le Dr Joomaye. N’empêche, pour avoir une meilleure visibilité sur l’évolution du coronavirus, d’autres pays africains, comme le Zimbabwe et le Nigeria, avaient commencé l’exercice depuis mars 2020, soit à l’apparition du coronavirus sur le continent. Les autres pays africains ont emboîté le pas dans le même mois. Ce n’est qu’avec l’apparition de variants que l’État a décidé de se lancer dans l’exercice pour détecter la version du virus à Maurice.
Comment marche l’appareil?
Houriiyah Tegally, doctorante mauricienne en bioinformatique à l’université de Kwala-Zulu Natal et qui, depuis des mois, fait des séquençages, explique que c’est à travers ce procédé que le code génétique de n’importe quel organisme peut être décodé. En langage non-scientifique, cela signifie simplement qu’avec les données du séquençage, les informations contenues dans l’ADN ou l’ARN d’une cellule peuvent être lues, révélant ainsi de multitudes d’informations comme les mutations ou, mieux encore, comprendre les maladies.
L’opération n’est pas simple et nécessite deux équipes. «Un échantillon de l’ADN ou l’ARN est préparé. Puis, il faut en faire l’extraction et l’amplification, comme c’est le cas pour l’analyse des tests PCR. Pour le séquençage, il faut aussi des réactifs pour que l’échantillon soit complet pour le séquençage.» Toute cette partie est la responsabilité d’une première équipe d’experts en biologie moléculaire.
Par la suite, l’échantillon est mis dans le séquenceur qui produit des «reads», une série de lettres qui n’ont de sens que pour des initiés. «Là, c’est l’équipe de bio-informaticiens qui prend le relais. Les données sont rassemblées et analysées sur un ordinateur et les informations concernant l’organisme sont compilées», poursuit Houriiyah Tegally, qui fait partie de cette deuxième équipe. De l’extraction à la lecture des informations, il se passe environ une semaine. «L’équipe dans laquelle le suis traite environ 300 échantillons par semaine. Elle est composée de deux scientifiques en laboratoire et deux autres à l’appareil.»
Le séquençage n’est pas réservé au virus du Covid-19. D’ailleurs, lors de sa conférence de presse, le Dr Kailesh Jagutpal a expliqué que l’appareil ne serait pas réservé uniquement au nouveau coronavirus, mais sera aussi utilisé à l’hôpital spécialisé en cancer. Le séquençage permettra de voir l’évolution des maladies.
En théorie, cet appareil sera d’une grande aide. Mais saura-t-on l’utiliser ? Houriiyah Tegally avance que oui. «Même à l’université de Maurice, il y a des bio-informaticiens. Mais ce sont des pro- cédés extrêmement spécifiques. Il y a les talents à Maurice, même hors du ministère. Il faudra passer par une formation», dit la chercheuse.