Depuis mercredi, les adeptes du Brushing vivent un véritable cauchemar, contrairement aux acteurs du secteur agricole (14% du PIB) qui ne pouvaient rêver mieux. A l’évidence, le ciel a choisi son camp. Il a ouvert ses vannes pour le plus grand bonheur de ces derniers et des graines semées dans les terres agricoles labourées du Royaume, et ce jusqu’à dimanche. Labourées mais sans pour autant être irriguées. C’est ce qui définit la majorité de la superficie agricole utile du pays et la rend si tributaire de la pluviométrie tout comme le fait que les céréales d’automne (blé tendre, blé dur et orge) occupent 5 millions d’hectares en moyenne, soit plus de 55% de la SAU. Une superficie approximativement estimée à 8.700.000 hectares, dont la majorité, donc non irriguée est surtout caractérisée à 70% par les petites exploitations. Autrement dit, les précipitations ont été de tout temps fébrilement attendues, encore plus ces dernières années à cause des effets du réchauffement climatique qui se font de plus en plus pesants dans le pays. «Ces précipitations ne pouvaient pas mieux tomber. On en avait vraiment besoin », se réjouit Chafiki Saoudi, agriculteur de père en fils dans la région de Béni Mellal. Une région dont les flancs de montagne ont été labourés la semaine dernière par de petits agriculteurs. Bon leur en a pris. Pour ceux qui sont à la traîne, ces pluies leur permettront tout de même de labourer leurs terres beaucoup plus facilement à défaut de pouvoir en profiter pleinement. Plus à l'ouest, dans la région de Safi, ces pluies ont été également accueillies par un grand ouf de soulagement. Et pour cause, selon Houmadis Abdellatif, un agriculteur, «la région est désormais considérée comme semi-aride. Les précipitations s’y font rares. Il faut attendre en moyenne 5 ans pour avoir des précipitations à la hauteur des enjeux économiques et sociaux du secteur agricole dans la région», nous explique-t-il. Puis de poursuivre : « Dans l’ensemble, le rendu agricole de l’année précédente était très faible. La majorité des agriculteurs de la région n’ont même pas réussi à récupérer des graines à semer, à cause d’une pluviométrie en dessous des attentes et des besoins des cultures ». Au vrai, les précipitations actuelles sont un bon début, mais pas une finalité. Elles sont insuffisantes. «Dans l’idéal, il nous faudrait des précipitations fréquentes et espacées d’ici à janvier à raison de 30 à 40 mm par séquence», espère Houmadis Abdellatif. Même si au fond, il n’y croit plus tellement. A tel point qu’il a changé son fusil d’épaule. Fini les cultures céréalières. Il s’est converti dans l’oléiculture et les arbres de figuier, conscient de la problématique du réchauffement climatique qui transforme la région de Safi doucement mais sûrement en une région aride. «Les oliviers et figuiers sont des cultures moins consommatrices d’eau, et dont le rendement est moins tributaire des pluies. Le coût annuel d’un olivier est de l’ordre de 30 DH seulement, irrigation et entretien compris», argue-t-il. D’ailleurs, dans une dizaine d’années, notre interlocuteur nous explique qu’il ne serait pas surprenant que, dans cette région connue pour la culture céréalière, «l’ensemble des agriculteurs délaissent les céréales pour les arbres fruitiers et notamment les oliviers. L’Etat pousse dans ce sens à travers des subventions et des aides accordées à ceux qui envisageraient cette reconversion». Mais d’un autre côté, il concède que, quoi qu’il en soit, «les précipitations actuelles seront bénéfiques, ne serait-ce que pour le cheptel dans une région où l’élevage représente la principale source de revenus des agriculteurs. «Lors de la précédente campagne agricole, le prix du bétail a dégringolé non seulement à cause du manque de pluie mais aussi en raison de la crise sanitaire. Aujourd’hui, grâce à cette pluie, d’ici un mois, les animaux d’élevage pourront manger à leur fin sans mettre financièrement dans le rouge les éleveurs contrairement aux années précédentes lors desquelles plusieurs d’entre eux ont dû vendre leur bétail car ils n’avaient plus les moyens de l’entretenir». Installé à quelques kilomètres du barrage de Bin El Ouidan, Chafiki Saoudi nous fait remarquer qu’il ne «faut pas négliger l’importance des précipitations actuelles pour les barrages et les puits ». En effet, ces averses, couplées à des températures en baisse, résulteront sur un enneigement sur les hauteurs et cimes du grand Atlas. De quoi alimenter les sources, les fleuves et, par ricochet, les barrages. La semaine dernière, les réserves totales ne dépassaient pas les 5.549,4 Mm³. Soit un taux de remplissage de l’ordre de 35,6%, loin des 46% enregistrés l’année dernière à cette même période. Chady Chaabi
Original Publisher
Original Article