Il est certainement le plus grand humoriste Camerounais de tous les temps. Sa réputation a traversé les frontières du Cameroun ; il était adulé dans plusieurs pays africains et a inspiré plusieurs générations d’humoristes. L’ivoirien Gohou Michel dit ceci de lui : « C’est mon idole, j’ai été inspiré par lui. En matière humoristique, Jean Miché Kankan est notre maître à tous ».
Mais qui est Jean Miché Kankan ?
De son vrai nom Dieudonné Afana Ebogo, Jean Miché est né le 13 février 1956 dans le petit village de Nkom de Jean Ebogo et Madeleine Nga.
Son enfance, il la passe en partie à Bertoua et dans son village. Il fait réellement ses premiers débuts sur le plan humoristique dans son village à Menguemessi. Il se livrait alors en spectacle pour la modique somme de 10 franc cfa la place ; il adopte comme nom de scène : Afadieu (un dimunitif de son patronyme Afana Dieudonné). Ses débuts sont très difficiles. Le public n’est pas au rendez-vous mais à force de travail et de persévérance, il va réussir à adopter son style à lui et à conquérir les cœurs.
Se sentant à l’étroit, il décide d’aller à la conquête de la capitale du département. Cap sur Akonolinga. C'est à ce moment-là qu'il rôde son style humoristique. Là-bas, il se révèle totalement. En 1976, alors qu’il a à peine 20 ans, il fait la rencontre d’Albert Mbida journaliste à la CRTV (aujourd’hui sénateur). Afadieu lui fait écouter l’une ses cassettes ; Albert Mbida plié de rire est conquis et lui propose tout de suite de monter avec lui sur Yaoundé pour enregistrer. C’est le début d’une belle aventure. Afadieu est alors engagé à la radio pour animer des tranches humoristiques.
C’est la fameuse émission « radio trottoir » qui va bercer les auditeurs de radio Cameroun. On assiste à la naissance d’un duo mythique : « Kankan » et son complice « Massa Batré ». Une complicité tacite va lier ces deux hommes sur les antennes. Ce duo fera fureur. Même si les mauvaises langues ont toujours voulu les opposer.
Tout d'abord enseignant de Français, Kankan va abandonner cet emploi pour travailler à Radio Cameroun.
Peu à peu, il commence à enregistrer des cassettes et à gagner en notoriété. Son génie s’impose au public Camerounais au fil du temps. Sa notoriété s’en va grandissant ; il commence à être diffusé à la télévision nationale. On le voit alors dans des émissions phares comme télépodium. Les diffusions de ses apparitions remarquées à la télévision dépassent alors largement les frontières du Cameroun et il est sollicité un peu de partout en Afrique. Il se livre en spectacle un peu partout et fait salle comble à chaque fois.
Jean Miché Kankan c’était surtout son style. Un habillement particulier : veste et pantalon larges, cravate et chapeau, le visage peinturluré en noir avec du blanc sur les cheveux, la barbe et les sourcils, un parler imitant l’accent d’un ressortissant de la région Ouest du Cameroun ; un jeu de scène unique, une maîtrise de l’improvisation, des sketchs dépeignant les travers de la société africaine par la satire en arborant un style et une tenue d'ivrogne.
L’accent qu’il utilisait dans ses sketchs a fait croire à certains qu’il était originaire du pays bamiléké alors qu’il était un digne fils du Centre. Un jour, alors qu’il devait se produire à Bafoussam en pays bamiléké, son équipe craignait qu’il soit mal accueilli parce qu’il imitait l’accent des ressortissants de cette Région et titillait ceux-ci. Confiant et sûr de lui, Kankan va insister pour aller à ce spectacle et il fera salle comble. Un public conquis. Il fut aussitôt adopté. Certainement l’un de ses meilleurs spectacles. En réalité, cet accent, il le tient d’un ami bamiléké qu’il côtoyait à Akonolinga. Intrigué et séduit à la fois par cet accent, il avait décidé de l’adopter pour ses spectacles.
Kankan c’était aussi sa fidèle épouse, la fameuse « Maman Hélène ».
Ses sketchs demeurent d’actualité et c’est toujours un régal de les réécouter. Il laisse à la postérité plusieurs sketchs inoubliables : L’élève international, la fille du bar, prêt d’argent, maladie d’amour, la lettre, la carte d’identité, le soulard, le mauvais payeur, l’accident de voiture, mon boutiquier, les vérités de Malam, le commissariat, la polygamie etc..
Kankan était homme d’une extrême simplicité qui ne se prenait pas au sérieux, très humble et généreux, il était toujours proche du peuple. Il n’était pas rare de le croiser à Mvogada au milieu des quidam entre d’ingurgiter quelques bières ou de jouer au Songho.
Il est décédé le 13 février 1997 et a été quelque peu oublié. Sa modeste tombe abandonnée et délabrée a été restaurée en 2019. Il meurt après une grande tournée en Afrique de l’Ouest ; cependant même face à la mort, il n’avait pas perdu son sens de l’humour ; sur son lit de malade, alors qu’il se sentait déjà condamné ; il disait alors à ses visiteurs : « Je ne sais pas pourquoi la mort laisse les riches, les mauvais types pour venir prendre un pauvre type comme moi qui veut juste donner du bonheur aux camerounais » lâchait-il, le sourire léger au coin.
C’était l’icône représentative de l’humour en Afrique. Il était et demeure particulièrement adulé jusqu’à ce jour en Afrique de l’Ouest et centrale à tel point que dans ces pays-là, le nom « Cameroun » renvoie automatiquement à Jean Miché Kankan. A sa mort, le président du Benin Mathieu Kérékou a personnellement dépêché le ministre de la culture pour le représenter aux obsèques de Jean Miché Kankan.
Sous d’autres cieux il aurait eu des monuments, des noms de rue, des salles de spectacles, des écoles en son nom. Sa maison aurait été transformé en musée ; mais le Cameroun, c’est le Cameroun.