Dortoirs: Foyers pour virus

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Souvent montrés du doigt pour leurs conditions peu reluisantes, les dortoirs des travailleurs étrangers sont encore au cœur de l’actualité après que près d’une centaine d’entre eux, entassés dans ces espaces sans distanciation physique... ont été contaminés au Covid-19.

Près de 100 cas recensés à l’usine Real Garments à La Tour Koenig dans la semaine, après plusieurs cas dans le «cluster» Princes Tuna. Les syndicats sont préoccupés par les risques de contamination dans les dor- toirs des travailleurs étrangers.

Une panique s’est installée à La Tour Koenig en fin de semaine après que près d’une centaine de cas ont été recensés à l’usine Real Garments Ltd, dans la zone industrielle. À la vue des autobus déployés pour transporter les travailleurs vers les centres de traitement et de quarantaine, les habitants de la région ont été alarmés. Pourquoi cette frayeur ? On nous fait savoir que ces ouvriers, pour la plupart des ressortissants du Bangladesh, fréquentaient plusieurs lieux de commerce, notamment à la Tour Koenig. Surtout dans leurs jours de congé. «Sa kapav inn fann ek bann abitan», déplore un habitant de l’endroit. Le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, a également confirmé cette information lors du point de presse du National Communication Committee (NCC) jeudi soir. En dépit de tous les cas positifs détectés dans cette usine, aucune zone rouge n’a été décrétée, le ministre indiquant que «tout est sous contrôle».

«Qui paiera pour leur quarantaine ou leur traitement ? Leur salaire leur sera-t-il versé s’ils ne peuvent pas travailler ?»

Reaz Chuttoo, président de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP), estime qu’il est déjà trop tard pour remédier à la situation dans le contexte actuel, alors qu’il aurait fallu des lois justement pour éviter une telle catastrophe. «Depuis toujours, les travailleurs sont entassés les uns sur les autres dans un espace réduit. Il y a eu des cas où il y avait jusqu’à 100 personnes dans un dortoir pour 60 personnes.» Il trouve qu’il est temps de renforcer les lois pour que des sanctions soient prises dans des cas de dortoirs surchargés. Il fait ressortir qu’il y a eu énormément de cas semblables depuis le premier confinement en 2020. «Nous avons dû aller distribuer à manger et des produits sanitaires auxquels les travailleurs n’avaient même pas droit.»

Le président de la CTSP soutient qu’il y a bien une visite des lieux, en cas de plainte, mais sans aucune suite... «Donn zis bann rekomandasion, apre sa aret la mem.» Reaz Chuttoo indique qu’il y a une pression énorme pour faire vacciner le personnel, y compris les travailleurs étrangers, mais qu’il n’existe aucun cadre légal pour leur situation, s’ils contractent le virus. «Qui paiera pour leur quarantaine ou leur traitement ? Leur salaire leur sera-t-il versé s’ils ne peuvent pas travailler ?» C’est pourquoi la CTSP demande depuis 2020 que le Covid-19 soit reconnu comme maladie professionnelle. Le syndicaliste Faizal Ally Beegun est, lui, d’avis qu’il aurait fallu un plan d’urgence pour les personnes qui habitent et travaillent dans cette région. «Ce n’est un secret pour personne que les dortoirs à Maurice sont surpeuplés, alors que seules 50 personnes sont autorisées à se rassembler.» Pour lui, une fois de plus, il faut réglementer ces «poulaillers humains», pour éviter de telles flambées de contamination. Le syndicaliste rappelle que Real Garments fait l’objet de plusieurs plaintes au ministère du Travail pour ses dortoirs justement et la qualité de la nourriture, depuis plusieurs années. «Toutefois, selon mes sources, il n’y a pas eu de grand changement. Ces travailleurs ont peur de me parler en ce moment.» Il ajoute qu’il y a aussi des Mauriciens qui travaillent dans l’usine. «Ki protokol pou sa bannla ek zot fami? Pena oken Morisien dan sa bann 100 ka pozitif la?», se demande-t-il.

Nous avons vainement tenté d’avoir une réaction de la direction de l’usine... Selon des recoupements d’informations, Real Garments serait à l’arrêt pour deux semaines. À l’express, le Dr Vasantrao Gujadhur avait soutenu récemment «qu’un dortoir est un lieu propice à la propagation» et que si rien n’est fait, les cas de contamination ne feront qu’augmenter. Il rappelle que depuis le début de la pandémie, toutes les agences de santé recommandent la distanciation physique et la ventilation des lieux. «Or, souvent les dortoirs sont fermés, les espaces communs, comme les toilettes et salles de bains, sont partagés. Il est clair que le virus va se propager», déplore-t-il.