« Mon Dieu ! » Le tabloïd allemand Bild n’a pas lésiné sur la formulation, en français dans le texte, pour annoncer la condamnation de Nicolas Sarkozy, jeudi 30 septembre, à un an de prison ferme pour le dépassement du plafond des dépenses de sa campagne présidentielle de 2012. Dans cette affaire, l’ex-président – qui a fait appel – n’était pas mis en cause pour le système de fausses factures au cœur de la fraude, mais pour avoir dépassé de plus de 20 millions d’euros le seuil légal de dépenses électorales.
Vendredi, les sites Internet de nombreux médias européens et anglo-saxons mettent en avant, parfois dès leurs titres, comme le Washington Post, que Nicolas Sarkozy ne séjournera sans doute pas en prison, puisque la peine prononcée est aménageable en détention à domicile sous surveillance par bracelet électronique. A ses lecteurs, Bild explique que M. Sarkozy a été condamné parce que « beaucoup d’argent » a été dépensé pour des shows de campagne « extravagants ». Un qualificatif employé aussi par le Guardian, qui décrit avec emphase et luxe de détails les meetings du candidat en 2012 :
« Perçu comme l’un des meilleurs orateurs de la droite française, il prononçait des discours tonitruants depuis des scènes clinquantes, construites exprès, dans des salles immenses et devant un public nombreux, soutenu par des musiques composées pour l’occasion, tandis que des réalisateurs de renom filmaient ces extravagances pour la télévision et diffusaient les images sur des écrans géants. »
Que Nicolas Sarkozy se trouve désormais sous le coup de deux décisions privatives de liberté – il a été condamné en mars pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite « des écoutes », jugement dont il a aussi fait appel – est une « situation extraordinaire et sans précédent » selon le journal britannique, qui remarque qu’elle ne l’empêche pas de « maintenir une importante présence publique, publiant un livre sur la culture ce mois-ci, et se faisant régulièrement appeler à la télévision pour commenter la course présidentielle » du printemps 2022.
« Nouvelle tache »
Les journaux américains relèvent aussi que ces condamnations ne font pas baisser la cote de l’ancien chef de l’Etat : aux yeux du Financial Times, il « reste populaire dans l’électorat de centre droit ». Le New York Times partage cet avis, rappelant que beaucoup de prétendants de droite à l’Elysée « convoitent son soutien » en dépit de son « retour raté » en 2016, quand il avait été éliminé au premier tour de la primaire de la droite. L’ancien président « reste une figure influente dans l’establishment français et a des relations cordiales avec Emmanuel Macron », abonde le Wall Street Journal, qui voit cependant dans cette seconde condamnation une « nouvelle tache » sur « l’héritage d’un ancien chef d’Etat dont le parti a pour racines une politique de la loi et de l’ordre ».
Outre-Rhin, La Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) s’inquiète aussi des effets de cette condamnation sur le parti Les Républicains, « qui reste profondément divisé sur la manière de gérer l’héritage de Sarkozy », d’autant plus que son ex-premier ministre François Fillon, rappelle le titre, a été condamné à la prison en première instance (jugement dont il a fait appel). La FAZ donne rendez-vous au 4 décembre, quand les membres du parti, réunis en congrès, devront désigner leur candidat pour 2022.
Un éditorial du même journal se félicite en tout cas d’un « signal pour la France » :
« Ce jugement (…) aura un effet dissuasif sur les responsables politiques ultérieurs (…). Pour l’élection présidentielle de l’année prochaine, nous verrons des combats difficiles, ils doivent être menés selon les règles. »
Et d’ajouter qu’il « serait préférable que ce ne soient pas les juges qui remettent les politiciens à leur place, mais les électeurs ».