Entre Paris et Alger, une crise à la mesure des espoirs déçus d’Emmanuel Macron

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La tempête, à nouveau. La relation entre Paris et Alger, soumise à des orages cycliques, rebascule dans une zone de fortes turbulences après les propos inhabituellement durs tenus jeudi 30 septembre par Emmanuel Macron – et rapportés en exclusivité par Le Monde, samedi 2 octobre – contre un « système politico-militaire » algérien « fatigué ». L’affaire est d’autant plus sérieuse que, loin d’être un dérapage accidentel, les déclarations du président français ont semblé minutieusement soupesées, avec l’intention évidente d’être relayées.

Le gouvernement algérien ne s’y est d’ailleurs pas trompé qui, dénonçant des « propos irresponsables » et une « ingérence inadmissible dans ses affaires intérieures », a aussitôt rappelé son ambassadeur à Paris et interdit le survol de son espace aérien aux avions militaires français participant à l’opération Barkhane, au Mali. Ce regain de tension entre les deux capitales ne risque pas seulement d’accélérer la reconfiguration du paysage stratégique régional, en « jetant davantage la France dans les bras des Marocains », selon un ancien diplomate français familier du dossier algérien. Sur le plan bilatéral, il consacre aussi le quasi échec de l’effort de réconciliation mémorielle – au niveau diplomatique en tout cas – qu’Emmanuel Macron avait entrepris avec l’Algérie dans la foulée de la publication, en janvier, du rapport commandé à l’historien Benjamin Stora.

Quand l’Elysée organise une rencontre, le 30 septembre, avec dix-huit jeunes issus des différents groupes liés à la mémoire de la guerre d’Algérie – petits-enfants de pieds-noirs, de soldats, de Harkis, de militants FLN et de juifs d’Algérie… –, le chef de l’Etat saisit l’occasion pour délivrer un message sans aucune ambiguïté. Une fois évoqués « les souffrances » et « les traumatismes » transmis aux héritiers de la tragédie de la guerre (1954-1962), il décoche des sentences jamais entendues dans la bouche d’un président français contre un « système politico-militaire » à Alger, qui, à l’en croire, s’est « construit sur la rente mémorielle » et « la haine de la France ». « On voit que le système algérien est fatigué, le Hirak [mouvement de protestation] l’a fragilisé, ajoute M. Macron. J’ai un bon dialogue avec le président Tebboune, mais je vois qu’il est pris dans un système qui est très dur. »

« Une rupture nette »

Ce faisant, le chef de l’Etat français franchit la ligne rouge aux yeux d’Alger. Non seulement il utilise un terme (le « système politico-militaire » algérien) que les usages diplomatiques réprouvent – au profit des formules plus neutres de « gouvernement » ou d’« autorités » –, mais il sous-entend que son homologue, Abdelmadjid Tebboune, « pris dans ce système », ne jouit en fait que d’un pouvoir limité. Tout aussi transgressive est son allusion à la réduction annoncée de 50 % du nombre de visas qui vise surtout, selon lui, à « ennuyer les gens qui sont dans le milieu dirigeant ». « C’est une rupture nette avec les très diplomatiques et conciliants discours aux éléments de langage soigneusement élaborés », a commenté dimanche un éditorial du quotidien Algérie Liberté.

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