Au Liban, les monarchies du Golfe surveillent autant leurs amis que leurs ennemis

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Les plus hautes autorités de l’Etat, le gratin de la politique, des grands noms des médias et de la diplomatie : au Liban, la liste des personnes dont le numéro a été sélectionné comme cible potentielle de Pegasus, le logiciel espion de la société israélienne NSO Group, ressemble à un Bottin mondain. On y trouve les coordonnées téléphoniques du président de la République, Michel Aoun, de l’ex-premier ministre Saad Hariri, de l’ex-ministre des affaires étrangères Gibran Bassil, du chef d’un des principaux services de sécurité, Abbas Ibrahim, du gouverneur de la banque centrale Riad Salamé, de cadres du Hezbollah, le mouvement chiite pro-iranien, et d’une pléthore de ministres, de journalistes et d’ambassadeurs.

Autant de VIP, dont le portable a été possiblement hacké ces dernières années par Pegasus, l’un des logiciels de cyberespionnage les plus sophistiqués au monde, à l’initiative de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis (EAU). Ces deux Etats, qui ont longtemps considéré le Liban comme un pays frère, le traitent aujourd’hui comme un quasi-protectorat iranien, du fait de l’influence grandissante que le Hezbollah y exerce.

Les données téléphoniques auxquelles Le Monde a eu accès proviennent d’une liste de 50 000 numéros sélectionnés par des clients de NSO, dans le monde entier, dans l’optique d’une possible infection par Pegasus. Ce logiciel peut non seulement siphonner le contenu d’un smartphone, y compris les messages échangés sur des applications comme WhatsApp et Signal, mais aussi transformer l’appareil, de manière invisible, en micro.

Saad Hariri dans le viseur

Forbidden Stories et Amnesty International, qui ont consulté cette liste, l’ont partagée avec dix-sept rédactions, dont celle du Monde et du magazine libanais en ligne Daraj. Dans cet immense registre couvrant une cinquantaine de pays figurent environ 300 numéros commençant par +961, l’indicatif du Liban. Faute d’avoir pu rechercher dans les smartphones correspondant à ces numéros des traces techniques d’une intrusion, il n’est pas possible à ce stade de dire si ces appareils ont été effectivement infectés.

Ce que l’on sait, c’est qu’un ou plusieurs numéros appartenant aux personnalités mentionnées dans cet article ont été présélectionnés en 2018 et 2019 par l’Arabie saoudite et/ou les EAU, deux acheteurs de Pegasus, pour une éventuelle mise sous surveillance. Sur les 67 téléphones que les partenaires du « Projet Pegasus » ont pu faire examiner, 37 d’entre eux portaient des traces d’une infection par le logiciel espion israélien. Les autorités saoudiennes et émiraties, contactées à de multiples reprises, n’ont pas donné suite à nos demandes de réaction.

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